

Montaillou, village occitan par Emmanuel Leroy Ladurie

Depuis sa découverte par Dollinger, ensuite par Monseigneur Vidal et enfin par notre cher Jean Duvernoy, cohorte prestigieuse à laquelle je me suis modestement agrégé sur le tard, Montaillou a pris de nouvelles dimensions ; me semble-t-il ; double symbole des pays d’oc et de la Catalogne ; dernier vestige d’une relative libre pensée en attendant la Renaissance et la Réforme qui relèveront le flambeau ; concrétisation, enfin, comme Astérix, du dernier village, luttant contre un conformisme à certains égards sympathique (on finit par aimer Benoit XII, Jacques Fournier à l’époque de 1320, celle qui nous concerne) mais conformisme écrasant quand même et qui voudrait agir à la façon d’un antiseptique, effaçant tout sur son passage, car il est insupportable que puisse subsister quelque part une trace de doute à l’endroit des vérités communément admises.
Depuis les crêtes suprêmes du ciel étoilé des dogmes, depuis les « hauts de Hurlevent » d’un gouvernement des concepts, à l’aplomb d’une espèce de Canigou idéologique, les torpilles de la pensée unique tombent comme la mitraille à Gravelote, sur une minuscule population « montalionaise » de paysans et de bergers quelques peu effarés ou farfelus, qui n’en demandaient pas tant ; et surtout ne nous inspirons pas de leur exemple ; seul le silence est sûr, tout le reste est courage.
Emmanuel LE ROY LADURIE
